Vers une mise en retrait du Maire, le temps de son appel ! // Intervention d’Anne de Beaumont au conseil municipal de Firminy // 15 avril 2019
Partager

Ce soir, l’heure est grave et le moment solennel ! D’abord, parce qu’il s’agit de justice et d’exemplarité des personnes publiques, et aussi parce que ça n’est jamais facile d’intervenir face à son propre camp, pour demander une mise en retrait du plus haut magistrat de notre commune. 

  1. Certains diraient que notre démarche collective de 10 + 7 élus, est soit une trahison contre notre propre camp, soit qu’elle participe d’un complot. 
  • Je répondrais à ces accusations, en disant d’abord qu’ici, il ne s’agit pas de se faire justice nous -mêmes, ni même de déclarer ou non la culpabilité de Marc Petit. La Justice de notre pays existe pour effectuer cette mission difficile, et même si cela peut choquer certains militants qui rejettent les institutions de l’Etat, je fais confiance à notre Justice et je souhaite que la parole de la Justice soit respectée par nous, personnages élus, qui avons la responsabilité de montrer le chemin du respect de la loi. 
  • Il ne s’agit pas d’une chasse à l’homme, car ce jour, nous ne discutons, ni à partir de rumeurs, ni de simples témoignages. La personne n’est pas simplement accusée, elle a été condamnée ; c’est tout de même très différent de simples témoignages.  Tout le temps que la Justice a pris pour traiter ce dossier de notre Maire, je me suis astreinte à un silence de respect de la personne, et je n’ai participé à aucun commentaire privé ou public sur cette affaire, tant qu’elle était non jugée. Mais dès lors que la Justice s’est prononcée pour une peine d’un mois de prison avec sursis, même si la personne jugée fait appel, il y a le devoir moral que la personne jugée respecte cette période d’appel, en se mettant en retrait des affaires publiques. 
  • Et je n’ai pas le sentiment d’intervenir « contre mon camp ». Car pour moi, ce serait mon silence complice qui jouerait plutôt contre mon camp, en cautionnant un comportement que je n’approuve pas et qui dessert ma haute vision de la chose publique et ma grande exigence pour nos responsabilités et devoirs d’élus. J’ai le sentiment de témoigner devant nos concitoyens, de cette haute idée que je m’impose pour être élue et de cette volonté partagée par les cosignataires de cette démarche, de défendre haut et fort, la notion essentielle d’exemplarité que nous devons nous imposer, nous personnes élues par d’autres citoyens. 
  1. Sur le fond, je développerais quatre points importants : 
  • D’abord, la question des droits des femmes et notamment du refus des violences faites aux femmes est une affaire grave, qui apparaît enfin sur la place publique. Combien de viols, d’incestes, d’abus sexuels, de faits de harcèlement sexuel ou non, ont été jusque maintenant tus, ou abordés en conclave privé, tout simplement parce que ça ne se faisait pas, parce que les dénoncer aurait porté préjudice à l’autorité morale de la personne responsable de ces faits, parce que les dénoncer aurait fait le jeu de l’opposition politique, ou aurait nui à l’intérêt du parti ?  

Et rappeler un chiffre : En 2018, seule une victime de violences sexuelles sur 8 a porté plainte, avec une grosse augmentation depuis 2 ans (rapport annuel du Ministère de l’Intérieur). Il n’est donc pas encore facile pour une femme de déclarer des faits de violences faites à son encontre. 

Combien de femmes ont subi, notamment dans le monde politique, des faits répréhensibles de ce type, et qui n’osent pas porter plainte, car il est encore trop développé dans notre culture de dire que si la femme a vécu cela, c’est qu’elle l’a bien cherché ! Cf cette femme victime de viol par deux policiers, dont le passé amoureux et sexuel a été épluché de façon incroyable. « C’est une femme à hommes ! »

L’expérience nous apprend que l’impunité des agresseurs les amène à avoir plusieurs victimes. Concernant Marc Petit, il est dit dans le récit du procès que d’autres femmes s’étaient déjà plaintes de son comportement : Il s’agit de salariées soit de la Ville, soit de St Etienne Métropole, trop dépendantes de leur employeur pour porter plainte. » L’enquête montre que des femmes se sont déjà plaintes du comportement de Marc Petit. Une employée de mairie affirme, en 2009, « qu’il recherchait le contact » avec elle. Elle évoque des « frôlements » et des appels téléphoniques répétés. Marc Petit évoque plutôt, avec cette employée, une relation « d’amitié » qui remonte à de longues années. « Elle était fragile et nous échangions beaucoup ».  « Oui, même de vos difficultés conjugales apparemment », précise le juge. » C’est-à-dire que si la fonctionnaire du conseil départemental n’avait pas porté plainte pour agression, Marc Petit aurait ainsi pu continuer à potentiellement harceler des employées de mairie en tout impunité ! On imagine les conflits de loyauté auxquels cette femme a été confrontée ! Le Maire reconnaît que la personne est fragile et ne trouve rien de mieux que de l’appeler constamment, de la toucher et de lui raconter sa vie conjugale… Est-ce vraiment le meilleur moyen de protéger une employée envers qui il a une obligation légale de sécurité ? La mise en retrait s’impose donc pour le devoir d’exemplarité, pour la sérénité, mais aussi, pour protéger d’éventuelles autres victimes qui sont encore dans le silence, leur permettre de s’exprimer, de se reconstruire et de travailler dans un cadre qui les protège. 

 Il est temps que non seulement la loi soit ferme contre ces abus et ces violences, mais aussi que ces lois soient respectées et ces droits acquis, mis en application dans la réalité. Combien de faits sont encore tus dans certains partis, de peur que cela ne fasse le jeu de « l’adversaire politique » !!! 

Il existe encore une résistance culturelle très forte chez de nombreux citoyens, avec des propos du style : ce n’est pas le style de cette personne accusée, d’avoir ce type de comportement ! Et pourtant, les auteurs de violences conjugales ne sont pas la plupart du temps, des brutes épaisses, dont la violence se lirait sur leur visage ! Une femme sur 10 est victime de violences et cela concerne tous les milieux sociaux, tous les types de caractères humains. Même des gens qui sont bien sur soi, et sont si gentils ou doux avec leur entourage. 

Ces faits de violences ou d’abus contre des femmes, ne sont pas, contrairement aux déclarations de Marc Petit, un simple délit routier !!! Nous, les femmes, nous sommes des personnes à part entière qui méritons les mêmes droits que les hommes, et qui avons le droit à notre dignité, loin d’être un objet sexuel ou de faire valoir pour des hommes. Et le chemin est encore long pour faire respecter dans la réalité cette évidence pour nous, les femmes. Ne serait-il pas temps de créer un collectif local avec les femmes qui auraient vécu de telles situations de harcèlement avec d’autres hommes politiques du secteur ? 

La loi est pourtant sévère sur ces faits : une agression sexuelle au travail, c’est pourtant 75 000€ d’amende et 5 ans de prison ; en cas de circonstance aggravante, comme par exemple l’abus d’autorité donnée par une fonction, c’est 100 000 € et 7 ans de prison. Pourtant l’écart entre les plaintes et les condamnations est abyssal (et encore plus, 10 fois plus si on inclut les agressions pour lesquelles les victimes ne portent pas plainte). Notre combat ce jour contribue à faire avancer cette cause des femmes. 

C’est une étape à part entière de la gestion des violences sexuelles : la reconstruction d’un collectif pour la gestion des violences sexuelles. 

Au lieu de faire l’autruche, Marc Petit devrait au contraire prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que la parole se libère dans sa mairie (saisie du CHSCT et formation des employé.e.s par exemple), et cela passe de toute évidence par le fait de se retirer complètement de ce processus. 

On peut imaginer, si lui-même avait cette attitude, que d’autres personnes ont pu se dire que c’était possible aussi de harceler. Les chiffres sont toujours là : une femme sur cinq est victime de harcèlement sexuel sur son lieu de travail, et une sur trois a déjà subi une agression sexuelle ou du harcèlement sexuel au travail. Donc soit Marc Petit respecte les lois et permet de mettre en place des conditions de travail correctes pour tout le monde, soit il conforte d’autres agresseurs potentiels. 

Enfin, en matière de violences sexuelles, le complot n’existe pas,  tant c’est un parcours de la combattante qui s’annonce pour la victime : ici, il a fallu deux ans pour qu’elle ose porter plainte. Difficile de l’accuser de chercher la lumière : jamais son nom n’est sorti dans la presse et aucun média n’a mentionné une quelconque appartenance politique.

  • Secondo, faire respecter cette demande de retrait du Maire jusqu’à la fin de son appel, participe de notre souhait de mettre en avant l’exemplarité de la fonction d’élu.  Si le maire a bien le droit de se maintenir (et qu’ayant fait appel, il est présumé innocent jusqu’à éventuelle confirmation de la condamnation), on peut néanmoins souhaiter qu’eu égard à l’importance de la fonction, au souhait d’exemplarité, voire de concorde publique, une personne aussi gravement mise en cause, se retire, le temps de la procédure. Nous n’avons de cesse, nous écologistes, de distinguer entre ce qui est légal, c’est à dire l’état du droit et ce qui est légitime et souhaitable :  l’optimisation fiscale est légale, elle n’en est pas moins insupportable. ll fut un temps où les femmes n’avaient pas le droit de vote, et heureusement que des militant-e-s ne s’y sont pas résigné-e-s. Hier le cumul des mandats était la norme et demain j’espère que les pesticides, dont la vente est aujourd’hui légale,  sera bien interdite. Sur le maire et son exemplarité, je prends deux exemples, mais il y en aurait d’autres :  Le maire est investi des pouvoirs de police en vue de maintenir l’ordre public, soit la sécurité, la salubrité, la tranquillité et la dignité humaine. Mais est-ce acceptable que ce soit une personne condamnée pour violence qui édicte les règles ? Deuxièmement, le maire prononce des mariages, et rappelle aux époux leurs devoirs mutuels de respect, secours et assistance…. Trouverait-on normal et acceptable que ce soit une personne condamnée pour violences sexuelles qui leur fasse prononcer ce serment ? 

En tous cas, un ministre condamné une première fois, ne pourrait pas rester en poste, je ne vois pas pourquoi on attend pour d’autres fonctions d’élus ! 

 Il nous est rétorqué que le Maire jugé, peut très bien ne pas démissionner, au nom de la suspension de l’appel et de la présomption d’innocence : c’est vrai, il en a tout à fait le droit. Mais il a aussi le devoir d’exemplarité, ainsi que la responsabilité, en tant que maire, de garantir des conditions d’exercice sereines aux employé.e.s de sa ville : si les faits avaient concerné un fonctionnaire de la ville, il aurait été tenu, comme employeur, de protéger les employé.e.s et de prendre des mesures, comme une mise à pied par exemple. Aucun besoin de plainte préalable pour cela d’ailleurs. Donc pourquoi ne s’applique-t-il pas cette ligne à lui-même ? 

Cette exigence d’exemplarité est particulièrement puissante au moment même où les élus sont autant décriés par les citoyens : corrompus, cumulards, ne respectant pas leur parole des promesses électorales, soumis aux lobbies … Cette défiance est très grave, car elle crée la suspicion sur TOUS les élus et porte la doctriner du « tous pourris » qui fait le lit des régimes politiques autoritaires, voire fascistes. Nous avons la responsabilité de résister à cette vague populiste dangereuse et d’affirmer notre fierté d’être élus, responsables devant les citoyens et exigeants avec nous -mêmes, pour maintenir la confiance en la chose publique. 

  • Ce point m’amène à un point plus personnel, mais qui m’est cher. Il existe des mouvements de pensée, notamment non violente, qui affirment que nous, les humains, nous incarnons les changements que nous souhaitons. Ceci pour éviter de renouveler ces horreurs collectives totalitaires comme le Goulag ou les Khmers rouges.  Nous devons inventer d’autres comportements au monde et aux autres, qui respecte l’autre dans sa diversité, son altérité, qui respecte la nature dans sa fragilité, … Et dans cette exigence, il y a une autre façon d’être, comme l’humilité et la reconnaissance de nos fragilités, de nos erreurs, de nos doutes. A ce propos, le déni actuel du Maire est tout simplement insupportable. Il sortirait grandi de cette épreuve, en étant plus ouvert aux questions : contrairement à ce refus de répondre aux journalistes à ses conférences de presse ! 
  • Enfin, je dirais que si je participe à ce mouvement collectif des 17 élus résistants, je le fais aussi, parce que je considère que ce refus actuel du maire d’entendre raison, sur cette nécessaire mise en retrait comme Maire jusqu’à l’appel, crée une faille dans la confiance dans notre équipe municipale. Comment continuer nos chantiers d’élus, quand on sait le positionnement obstiné et de déni de notre chef d’équipe ? Par exemple, il y avait un projet de nommer plus de rues de la commune avec des noms de femmes locales publiques. Quelle crédibilité aurait cette action de remise au jour, de femmes publiques disparues, si la cause des femmes est ainsi ignorée par ce déni actuel du Maire ?  
  • Pour conclure, je voudrais dire qu’aujourd’hui, nous n’avons pas à nous positionner avec notre affect, avec le lien affectif qui nous relie au Maire. Aujourd’hui, la question est plus grave : il s’agit de défendre l’intérêt général de notre commune qui a besoin de sérénité et de confiance dans ses responsables élus, et de laisser en arrière l’intérêt particulier d’une personne, qui n’est pas attaquée dans ses valeurs humaines, mais dont le déni perpétuel ne rend pas service à la collectivité publique qu’il est tenu de représenter. 

Anne de Beaumont, Conseillère municipale Europe Ecologie Les Verts de Firminy