
Comme chaque année, l’examen du budget est le débat central de la session de printemps de notre assemblée. Et comme chaque année nous devons examiner un document qui ne donne pas les moyens de décider véritablement : “ en toute connaissance de cause” .
Une analyse financière pertinente suppose que l’on dispose des chiffres sur au moins trois années consécutives pour en tirer des conclusions utiles. Dans le dossier proposé nous ne disposons que de comparaisons chiffrées d’une année sur l’autre et de manière très parcellaires. L’ergonomie du document pourrait être améliorée. L’ordre des différentes rubriques diffère ainsi que leur périmètre aussi d’une année sur l’autre, sans que cela soit signalé.
Le rapport transcrit un exercice de prévision. Il intègre, et c’est heureux, des réalisations effectives de l’année 2024. Mais nous ne disposons pas de ces éléments et cela nuit grandement à sa compréhension.
Nous avons évoqué ces aspects lors de la dernière commission des finances. M. Julien, Vice-Président, y a prêté attention. Peut être voudra t il en tenir compte…Ce, d’autant plus que les travaux de Natacha Gondran professeur à l’École des Mines de Saint-Étienne, conjugués à ceux de l’association « France, Villes et Territoires durables », débouchent sur une autre façon de décider. Nous pourrions en intégrant la démarche multi-partenariale Cap Territoires Durables qui vient d’être lancée bénéficier de ces apports.
Cette démarche propose l’élaboration d’un budget soutenable en mettant à disposition l’accès à des données fiables. Des données concernant les aspects sociaux, économiques, environnementaux, et autres. Elle permet une approche globale des besoins du territoire. Elle rend possible de dégager des critères pour éclairer les décisions à prendre, et facilite l’évaluation des politiques mises en œuvre.
Un document édité par Epures en novembre 2021 anticipait ces questions. Intitulé : « Quelle participation du Sud Loire à l’atteinte des limites planétaires ? ». Il transpose à l’échelle locale une problématique globale. Celle du respect ou non des limites planétaires. Toutes choses que nous réclamons avec constance depuis le début de ce mandat, je vous renvoie à nos interventions antérieures sur le même sujet.
Comment penser que l’on puisse procéder aux arbitrages nécessaires sans en connaître les effets, et en évaluer la pertinence. Pour l’instant, faute de s’être doté d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs pertinents on s’en remet à l’éloquence, à la persuasion des Vice-présidents en charge des différentes politiques que la métropole déploie sur son territoire.
Pour ou contre la patinoire, faut-il financer collectivement la découverte du Gier dans la traversée de la ville de « Rive de Gier », développer plus rapidement des mesures de prévention des inondations dans cette même vallée, engager des investissements lourds pour sécuriser notre approvisionnement en eau, prioriser le réseau de transport en commun, ou booster le plan vélo, et bien d’autres sujets encore…
Des paramètres de compréhension des différentes options présentées seraient de toute évidence les bienvenus et ce le plus vite possible. Faute de quoi, comment prioriser, comment arbitrer, face à un contexte qui évolue très vite.
Comme je l’ai dit lors du dernier conseil, des collectivités ne trouvent plus à s’assurer. Des risques jusque là aléatoires sont devenus certains ! L’étude de l’exposition aux risques, climatiques, sociaux, et autres de notre territoire devrait donner un éclairage utile pour arrêter et prioriser nos choix. La SMACL( Société Mutuelle d’Assurances des Collectivités Locales) encourage les collectivités dans cette voie pour permettre une approche circonstanciée des tarifications à prévoir. Elle est d’ailleurs partie prenante dans la démarche d’élaboration du budget soutenable.
Cette année, le compte financier unique 2024 doit être accompagné d’une annexe «budget vert». Cela va nous permettre d’avoir, pour la première fois, une autre vision, de nos arbitrages et de leurs conséquences en relativisant le seul prisme financier.
Les chiffres de ce budget, puisqu’il faut bien les évoquer, mettent en évidence une gestion financière prudente. On passe d’un budget prévisionnel de près de 490 millions d’euros à un budget de près 531 millions soit une augmentation de 8,4%, au-delà du taux de l’inflation.
Les recettes de fonctionnement 382 millions d’euros progressent de 9%, elles sont réactualisées en fonction des décisions de l’Etat, et reflètent des revalorisations forfaitaires. Dans le même temps les dépenses de fonctionnement s’élèvent à près de 333 millions d’euros en progression elles de 11,16 %. Ce qui diminue mécaniquement le montant de l’épargne nette qui passe de 18, 5 millions à 15, 5 millions.
Une seule recette affectée est augmentée du fait d’une décision de la métropole. Il s’agit de la taxe pour le GEMAPI (Gestion des Milieux Aquatiques et de Prévention des Inondations), qui passe de 12 à 14 euros par habitant, elle se monte à 5,8 millions d’euros au lieu des 5 millions récoltés précédemment. La prise en compte, bien que très timide, de la nécessité d’aménager les bassins versants des vallées de l’Ondaine et du Gier est malgré tout actée. Mais a-t-on vraiment pris la mesure des conséquences de la crue dévastatrice du 17 octobre 2024, avec 75 millions d’Euros de dégâts estimés…
Pour le reste rien de particulier à signaler, de manière anecdotique peut être, la subvention à l’aéroport est maintenue à 445 600 euros, ce qui n’ira pas sans poser question du fait de la diminution annoncée de celle du département…
Pour l’investissement, la hausse des recettes provient essentiellement d’un recours à l’emprunt plus important de 12, 697 millions d’euros. On passe de 78, 782 millions en 2024 à 91, 479 en 2025. Combien seront effectivement mobilisés, c’est la question subsidiaire.
Pour ce qui est des dépenses, pas de nouveautés, elles s’inscrivent toutes dans le prolongement de celles engagées jusque-là. Pas d’arbitrages intempestifs on continue de dérouler le plan de mandat…A une patinoire près…
Ceci posé, l’enjeu essentiel c’est de devoir changer de paradigme. Il est urgent que nous options pour une autre logique budgétaire. Un débat éclairé doit permettre autre chose que des ajustement à la marge alors que la séquence que nous vivons nous contraint à revisiter toutes nos certitudes. Le “business as usual”n’est plus de mise.
L’efficacité de la formule MIE (Mission d’Information et d’Évaluation), dont les travaux ont été rendus publics lors du précédent conseil, incite à suggérer que l’on en constitue une nouvelle. Elle aurait pour objet de réfléchir aux moyens de se doter de nouveaux outils pour finaliser de manière plus rationnelle et transparente nos choix budgétaires.
Le plan de mandat auquel il est si souvent fait référence est obsolète. L’épidémie du Covid, la guerre d’Ukraine et leurs conséquences sont passés par là. L’actuelle incertitude dans laquelle nous plonge la gouvernance pour le moins erratique du Président Trump doit nous conduire à viser à une plus grande résilience de nos territoires.
Le PAT (Plan Alimentaire Territorial) s’inscrit dans cette logique, la préservation des ressources en eau et la prévention des risques d’inondation aussi. Tout ce qui conforte l’autonomie de nos territoires et leur protection doit être encouragé. Cela implique que l’on en respecte l’équilibre économique, bien sûr, mais aussi la biodiversité, et l’environnement en intégrant la solidarité due à toutes et tous.
Une approche globale et responsable s’inscrivant dans les 17 objectifs du développement durable arrêtés par l’ONU, et les limites planétaires, peut et doit être privilégiée sous peine de se retrouver disqualifiés pour affronter les défis qui se profilent de manière de plus en plus certaine.
Vous l’aurez compris, en l’état, nous ne voterons pas ce budget. Il ne permet pas d’anticiper les conséquences de nos inconséquences passées et actuelles.
En continuant à procrastiner nous devrons assumer notre incapacité à s’adapter, à changer radicalement nos habitudes, nos façons de penser, toutes choses indispensables dans un monde devenu Volatil, Incertain, Complexe et Ambiguë (VICA). Si nous n’anticipons pas, nous devrons nous résoudre à subir.