Débat d’orientation budgétaire 2025 – intervention au Conseil de Saint-Etienne Métropole – 6 février 2025
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Ce rapport est construit comme d’habitude avec beaucoup de sérieux, dans sa forme, et c’est essentiel, quand on traite de finances. C’est même une condition préalable incontournable. 

Mais voilà, cela ne suffit pas. 

Il doit aussi être le support d’un débat pour vérifier que les options d’investissement et de fonctionnement retenues sont les bonnes dans une perspective partagée et la plus consensuelle possible du futur. 

Et c’est là que le bât blesse. Les inondations du 17 octobre 2024 dans la vallée du Gier et ses affluents ont mis en évidence un manque grave d’anticipation. 

Le Gémapi, (Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations), 1% de nos ressources courantes prévues, c’est 5 millions d’euros en 2024, et 5,8 millions en 2025. Mis en face des plus 70 millions d’euros de dégâts, cela donne la mesure des priorités à revisiter. 

C’est évidemment, très en deçà des besoins pour « sécuriser » un axe essentiel à la vitalité du territoire de la métropole. Comment développer l’attractivité de la métropole sans en sécuriser l’accessibilité ! Pour mémoire, la voie ferrée Saint-Étienne/Lyon a été totalement coupée plus d’une semaine et les liaisons ont été altérées plus d’un mois…Sans parler de la coupure de l’autoroute et de la route nationale. 

 Bref, quand en page 7 du rapport on découvre que le fil conducteur de la préparation des Orientations budgétaires 2025 a été de préserver une épargne suffisante pour financer un projet d’investissement destiné au développement de l’ensemble du territoire, on n’est pas très rassuré. 

Pourquoi, parce que le contexte a profondément changé, et que la fréquence du phénomène météorologique évoqué plus haut est appelée à se répéter de manière plus fréquente et sans doute encore plus violente. On ne peut plus raisonner avec une vision que le changement climatique a rendue obsolète. Il est urgent d’intégrer dans notre processus de prise de décisions une autre façon de voir.

Dans un monde devenu VICA (Volatil, Incertain, Complexe et Ambiguë), il faut cesser d’appliquer les modes de raisonnement “ habituels “ suivis jusque-là. Je ne vais pas me priver du plaisir de citer :     Albert Einstein : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ».

Lorsqu’il s’est agi de lancer le plan de relance après la crise du COVID, les écologistes avaient demandé très clairement à ce qu’il soit conditionné à la réalité d’un impact positif du point de vue climatique et/ou environnemental. Si beaucoup de nos collègues maires ont engagé des projets pertinents, de ce point de vue, cela n’a pas été le cas de toutes les dépenses… (On attend toujours l’évaluation de ce plan de relance…)

Il est temps de ne plus raisonner seulement en termes de quantité d’investissement, mais de raisonner aussi sur la qualité de ces investissements. Des critères de réduction d’émission de CO2, de biodiversité, de santé publique, d’économie d’énergie et de développement des énergies renouvelables doivent être retenus tout à la fois. Ils sont au moins aussi importants que de contribuer à une « croissance » pour la croissance sans que l’on se questionne sur sa pertinence à long terme.

Actuellement, les scénarios du « Business as usual » ne laissent que peu d’espaces à l’espoir raisonnable de voir s’améliorer les choses. 

Si on intègre dans notre projet de budget, la découverture du Gier dans le centre-ville de Rive-de-Gier, et de nombreuses mesures à prendre en amont des différents affluents de la rivière, l’effort financier sera considérable, et marquera l’expression d’une vraie solidarité de nos communes. 

Sinon, eh bien, on peut penser que les mêmes causes suscitant les mêmes effets, nous irons vers de nouvelles catastrophes. Il ne faut pas que le temps efface le souvenir de communes ravagées, où les infrastructures ont beaucoup souffert et où de nombreuses maisons ont été rendues inhabitables et ont perdu toute valeur car impossibles à assurer à l’avenir. 

Les compagnies d’assurance sont très pragmatiques. Elles assurent des risques aléatoires, et refusent d’assurer des risques devenus de plus en plus certains. Les collectivités ont de plus en plus de mal à trouver des assureurs. Devenir leurs propres assureurs peut les conduire à la faillite si rien n’est entrepris pour réduire leurs risques. 

Nous proposons qu’une étude sur l’exposition aux risques de la métropole soit entreprise au plus vite, pour pouvoir décider, en toute connaissance de cause, des nouvelles priorités d’investissement à mettre en œuvre. 

La production rendue obligatoire cette année d’une annexe « production de CO2 » ou budget vert, (méthode I4CE, que l’on peut et devons améliorer) avec le CA (compte administratif) 2024 va dans ce sens. Elle pourrait permettre à l’avenir un arbitrage qui ne soit pas que financier, mais aussi prospectif en englobant d’autres objectifs que ceux du trop court terme. 

Les services des finances de la Métropole, mutualisés, bénéficient du lancement de cette réflexion depuis 2022 sur une suggestion argumentée de la part des écologistes de la ville de Saint-Étienne dès janvier 2021. 

Ceci étant, sur le registre des économies possibles, dans cette logique on trouve au paragraphe : 

Les subventions de fonctionnement et contributions aux organismes de regroupement (page 26). Elles sont estimées à un montant global de 27 millions.   

 Dans l’ordre d’apparition dans le rapport, l’aéroport d’Andrézieux-Bouthéon. Dont on pourrait éviter de continuer à subventionner le fonctionnement. Il figure néanmoins encore dans la liste des bénéficiaires comme une chose « qui va de soi ». Alors que le département, lui, se désengage et où beaucoup de nos collègues se questionnent sur la pertinence de le maintenir en activité. Le désengagement de l’état est lui aussi programmé pour ce qui est de la prise en charge du personnel de la tour de contrôle. Dans ces conditions, où est l’intérêt de maintenir en activité un équipement aussi coûteux pour si peu de trafic. Notez que je n’évoque pas en première intention la diminution de la pollution qui serait induite par cet abandon et qui serait loin d’être négligeable.

Je vous recommande pour plus de précisions, la lecture du Livret n° 2 de l’association « ForezAgir » consacré à cet aéroport… Très bien documenté, il permet une approche circonstanciée du sujet. 

Suit une longue liste de bénéficiaires sans que l’on sache si les sommes versées seront identiques au budget 2024. Un tableau récapitulatif aurait été le bienvenu. 

Ensuite, on passe aux gros des investissements proprement dits, estimés à 160 millions pour le budget principal auxquels il faut ajouter ceux du transport et des autres budgets annexes. Il s’ensuit une longue énumération non chiffrée qui balaye toutes les dépenses habituelles, réparties par rubrique. Sans disposer des restes à réaliser du budget 2024, on reste sur l’expectative. 

Au moment de débattre du bien fondé de maintenir, augmenter ou réduire ces dépenses, autrement dit d’arbitrer, il serait bon de disposer d’éléments d’appréciation des diverses politiques que cela recouvre. Comment, sans indicateurs d’efficacité, qualitatifs et quantitatifs, définis en même temps que la mise en place de ces politiques, peut-on utilement en discuter le bien fondé. 

Est-ce efficace, dans quelle mesure, faut-il poursuivre ou modifier les options prises jusque-là, autant de questions sans réponse. 

Et ne pas avoir les moyens de débattre utilement lors du « débat des orientations budgétaires » pose clairement une question sur la transparence et la collégialité de notre gestion. 

Vous l’aurez toutes et tous compris, les écologistes demandent à ce que nous ayons une boussole pour vérifier que le cap donné est adapté aux contraintes qui changent et/ou apparaissent. Mais surtout que l’on sache comment réagir vite aux nouveaux défis environnementaux, climatiques mais aussi économiques et sociaux. Il faut maintenant pouvoir se donner les moyens de raisonner de manière horizontale non cloisonnée, en un mot transversal. 

L’approche globale s’impose pour que les choix faits dans un secteur n’invalident pas ceux qui se font ailleurs. Penser créer une zone industrielle de plus, Stelytec 2, est-ce compatible avec la désimperméabilisation des sols recherchés dans le même secteur pour éviter que ne se répètent de nouvelles inondations par exemple. 

L’exercice est difficile, certes, mais nous semble-t-il, tout à fait indispensable si l’on ne veut pas être les artisans d’une politique de gribouille. Qui je le rappelle est : « Attitude qui consiste à se précipiter dans les dangers que l’on veut éviter… ».

Vous l’aurez compris nous voterons contre ce rapport qui manque cruellement de vision.

Jean Duverger, conseiller métropolitain Génération Écologie de St Etienne