Le zéro artificialisation nette oblige à être innovant pour abandonner le bétonnage facile – Tribune d’élu·es d’Auvergne Rhône-Alpes – 5 décembre 2023
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30 187 hectares,
43 000 terrains de foot,
6,3 fois la ville de Lyon. Voilà la superficie d’espaces naturels, agricoles et forestiers consommés en dix ans en Auvergne-Rhône-Alpes, la deuxième région la plus consommatrice d’espaces en France. L’artificialisation de nos sols augmente bien plus vite que la démographie, et pour chaque nouvel habitant, 609 mètres carrés de sols sont aujourd’hui absorbés !

Cet étalement détruit nos paysages, morcelle les parcellaires agricoles et accroît toujours plus les distances à parcourir pour travailler ou faire ses courses, et renforce la dépendance à la voiture individuelle. Il menace la biodiversité, le climat, le cycle de l’eau et bien sûr notre souveraineté alimentaire. La multiplication des îlots de chaleur, des sécheresses et des inondations n’est malheureusement plus du registre de la science-fiction.

Aucun responsable politique ne peut décemment fermer les yeux sur cette réalité, et sur l’objectif impérieux de freiner la consommation foncière. C’est heureusement un combat consensuel dans notre société : 87 % des Françaises et Français y sont favorables d’après un sondage IFOP d’octobre 2023, et 99 % de la convention citoyenne pour le climat a voté cet objectif en 2020.

Le ZAN nous oblige à l’innovation

Nos territoires ont bien sûr besoin de construire des logements, des infrastructures, et de favoriser la relocalisation des industries. Réduire de 50 % la consommation d’espace d’ici à 2030 par rapport à la décennie précédente et atteindre le zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050 ne signifie pas ne plus construire, mais construire mieux.

Le ZAN est source d’innovations dans les champs de l’urbanisme, de l’architecture et de la construction : dépollution et régénération des friches, optimisation du foncier économique et commercial (verticalité, limitation des immenses parkings), renforcement de la mixité fonctionnelle, revitalisation des centres-bourgs et rénovation de l’habitat ancien, utilisation des logements et bureaux vacants, et densification raisonnable des villes, autour des lignes fortes de transports en commun ou en surélevant les immeubles existants.

Le ZAN nous oblige à être innovants pour abandonner le bétonnage facile. Loin d’être « ruralicide », le ZAN change le logiciel de l’aménagement du territoire, en partageant équitablement la prospérité et en retissant les liens entre les centres urbains, les périphéries et les territoires ruraux dans des logiques de solidarité, de coopération et de respect des identités locales, loin des oppositions surjouées entre villes et campagnes.

Le ZAN nécessite une fiscalité incitative

La garantie rurale est un acquis pour renforcer prioritairement le maillage en services publics essentiels. Le chemin n’est pas simple, et aucune loi n’est parfaite. La loi Climat et résilience d’août 2021 a fait l’objet de critiques légitimes, en partie corrigées par une loi en juillet visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.

D’autres chantiers sont en attente : l’analyse des décrets d’application, et un volet financier trop souvent oublié par l’Etat. Le ZAN doit s’accompagner d’une fiscalité incitative, d’outils financiers et de nouvelles recettes pour les communes, et de soutien à l’ingénierie pour les territoires ruraux qui en manquent le plus. Ce sont ces batailles qu’il nous faut prioritairement mener.

La loi prévoit que les régions, ou à défaut l’Etat, déclinent les objectifs du ZAN régionalement, pour que ceux-ci soient ensuite traduits dans les documents d’urbanisme locaux d’ici à 2028.

Le ZAN appelle à la responsabilité des élus

Nos territoires ont tout à perdre à ce que la région fasse défaut en n’assumant pas sa compétence d’aménagement stratégique du territoire. Plutôt que de se défiler, la région doit au contraire jouer pleinement son rôle en étant aux côtés des communes et des intercommunalités pour mettre en œuvre le ZAN, en leur fournissant un soutien financier et un appui en ingénierie, de la planification au projet.

L’enjeu écologique est trop important pour faire l’objet d’instrumentalisation et de velléités antirépublicaines. Pour réussir ce défi, nous serons force de solutions. C’est la responsabilité qui nous incombe en tant qu’élus de la République.

Les premiers signataires de la tribune : Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon ; Jean-Yves Brenier, président de la communauté de communes Balcons du Dauphiné, maire de Leyrieu (38) ; Jean-François Debat, président de Grand Bourg Agglomération, maire de Bourg-en-Bresse, conseiller régional ; Gabriel Doublet, président d’Annemasse Agglo, maire de Saint-Cergues (74) ; Christophe Ferrari, président de Grenoble-Alpes Métropole, maire de Pont-de-Claix (38) ; Pierre Jouvet, président de la communauté de communes Porte de DrômArdèche, maire de Saint-Vallier (26), conseiller départemental du canton de Saint-Vallier ; Anne Lenfant, présidente de la communauté de communes Cœur de Chartreuse, maire d’Entremont-le-Vieux (73) ; Simon Plenet, président d’Annonay Rhône Agglo, maire d’Annonay (07) ; Thierry Repentin, président de Grand Chambéry, maire de Chambéry ; Coraline Saurat, présidente de la communauté de communes de la Matheysine, conseillère régionale.

La liste des élu·es signataires ici

Dont beaucoup d’élu·es écologistes de la Loire.