La référence au Grenelle social qui a suivi les barricades de mai 1968, faite par le président de la République, nous avait déjà surpris. Mais admettons naïvement les bonnes intentions du président et de son gouvernement réduit à la domesticité.
Le nouveau président de la République, nous dit-on, a fait plus pour le dialogue environnemental que l’ensemble de ses prédécesseurs. En fait, tout continue comme avant. Depuis 30 ans nous sommes bercés de paroles mais caillassés de décisions qui aggravent la crise écologique.
Il faut une nouvelle fois admettre que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Le principal mérite du Grenelle de l’environnement est peut-être de mettre au jour les pavés, de démontrer l’écart entre les intentions du discours et les politiques réelles. De fait, les pavés s’accumulent, et les O.N.G. s’en rendent compte. Même le plus sarkophile de tous, Nicolas Hulot, en appelle à des actes courageux de la part des politiques, preuve de l’inquiétude qui a succédé à son enthousiasme.
Alors, lançons les pavés.
• Premier pavé : le nucléaire
Le nucléaire serait nécessaire à la limitation de l’effet de serre. Quelle hypocrisie ! On sait que l’activité qui est le plus à l’origine des émissions de gaz à effet de serre est celle des transports. Or ni les camions et voitures ne roulent au nucléaire ! Les deux effets les plus patents du système nucléaire sont de maintenir notre pays dans un stade de sous-développement dans le domaine des énergies renouvelables, comme l’a relevé un député allemand, et de participer à la dissémination extrêmement dangereuse de l’énergie nucléaire.
Nous, écocitoyens, nous rêvons d’une réorientation de l’énorme effort de recherche et d’une politique de développement industriel pour le domaine des énergies renouvelables. Notre pays exportant des panneaux photovoltaïques, des éoliennes, des systèmes de cogénération et un savoir-faire dans la sobriété énergétique dans le monde entier – le marché est immense – cela nous rendrait fier. Mais non, ne rêvons pas, le Grenelle – ainsi en a décidé le président – ne devra pas remettre en cause les décisions prises et la construction d’un nouveau prototype de réacteur, l’EPR. Et la France continuera à exporter des armes et des centrales nucléaires à des dictatures. Fermez le rideau !
• Second pavé : les organismes génétiquement modifiés
Les OGM devraient, nous dit-on, permettre d’éviter les famines dans le monde. Alors qu’il a été démontré, notamment par le prix Nobel d’économie Amartya Sen, que toutes les famines de l’histoire ont été d’origine politique et qu’elles ont été utilisées comme une arme par des dictateurs. D’autre part, les meilleurs rendements agricoles du monde sont obtenus grâce à l’agriculture biologique ou paysanne, qui en plus préservent les sols, la biodiversité …
L’effet le plus évident des OGM et de soumettre les paysans aux lobbies industriels et donc de les appauvrir, alors que les effets des OGM sur les écosystèmes et sur la santé humaine restent à découvrir.
Le Grenelle de l’environnement se débat dans les rodomontades des lobbies et pendant ce temps le ministre de l’agriculture, comme l’a relevé France Nature Environnement, a divisé par deux l’objectif français en matière d’agriculture biologique à l’horizon 2010 ! Quant au principe de précaution intégré à la constitution, il s’use à force de ne pas servir…
• Troisième pavé : les transports
Le secteur des transports représente le principal secteur émetteur de gaz à effet de serre. Le gouvernement nous endort avec la proposition de réduire de 10 km par heure la vitesse sur autoroute. Mais le même gouvernement a également prévenu : « pas question de revenir sur les décisions prises ». Or en catimini en urgence, un chapelet de nouvelles autoroutes a été décidé avant le Grenelle : A45, A89, A51… Qui augmenteront d’autant le trafic global.
Et pendant ce temps la SNCF annonce qu’elle prévoit de fermer 262 gares de fret en France, précipitant ainsi encore plus de camions sur les routes. Là encore, les actes sont à l’opposé des discours. Parlez donc, bonnes gens !
• Quatrième pavé : faire payer les classes moyennes et les pauvres.
C’est un principe bien connu par les économistes : les pauvres et les classes moyennes étant infiniment plus nombreux que les riches, c’est chez eux que l’on va prélever l’argent de l’État.
Notre président, tel le shérif de Nottingham- l’ennemi de Robins des Bois – applique scrupuleusement cette maxime : des centaines de millions d’euros de cadeaux fiscaux aux riches, moins de service public pour les pauvres, une TVA pseudo sociale pour faire payer les ménages plutôt que les entreprises etc.
La stratégie est exactement la même dans le domaine de l’environnement : diminution des charges sur les entreprises mais prélèvement de fonds soi-disant destiné à l’environnement auprès de chaque Français. Le principe pollueur-payeur auquel nous tenons, est transformé en principe pollués-payeur !
Nous pourrions multiplier les pavés dans beaucoup de domaines (par exemple les déchets et l’incinération, l’absence de prise en compte de l’effet de l’environnement sur la santé, etc…). Ils forment un collier très lourd à porter tant pour les écocitoyens que nous voulons être que pour notre planète en souffrance.
En ce domaine pour une fois l’Europe ne pourra pas être injustement accusée : en ce qui concerne l’environnement nous savons que c’est l’Union Européenne qui nous tire vers le haut et l’État français qui nous tire vers le bas.
Alors que la référence au Grenelle montre l’obsession d’un mai 68 à rebours de la part d’une droite qui s’affirmait moderne, nous, nous pouvons déjà en annoncer les lendemains :en 1968, le Grenelle avait succédé aux pavés ; en 2007, ce sont les pavés qui succéderont au Grenelle…
Tribune co-écrite par
Olivier Longeon, Conseiller municipal de Saint-Etienne, membre des Verts,
Bruno Charles, secrétaire départemental des Verts du Rhône,
Emeline Baume, membre des Verts,
Luc Voiturier, membre des Verts.