1 – Les structures à l’origine de l’action pour l’agglomération stéphanoise
Notre Affaire à Tous est une association constituée en 2015, et qui fait du droit une arme afin de protéger le vivant, les communs naturels et le climat. Notre Affaire à Tous cherche à mettre en place par le droit, le plaidoyer et la mobilisation citoyenne, une responsabilité de l’humain vis- à-vis de toutes les formes du Vivant.
Respire, Association Nationale pour l’Amélioration de la Qualité de l’Air, est une association de citoyens fondée en février 2011, dédiée à l’amélioration de la qualité de l’air. Elle s’est spécialisée sur la compréhension des enjeux liés à la pollution de l’air en France et en Europe, qu’ils soient politiques, économiques, sociaux et sanitaires.
www.respire-asso.org
Le groupe local EELV par la voix de Julie Tokhi et Olivier Longeon, élu·es métropolitains et municipaux de Saint-Etienne du groupe Le temps de l’écologie
2 – Un recours dans l’agglomération stéphanoise, symptomatique de l’inaction de l’Etat
Alors que l’Etat et ses services déconcentrés ont été à plusieurs reprises condamnés par la justice pour leur manque d’ambition en matière de lutte contre la pollution de l’air, nous lançons un nouveau recours en annulation contre le 3ème plan de protection de l’atmosphère (PPA-3) de l’agglomération stéphanoise. La situation stéphanoise reste très préoccupante, et ce nouveau plan n’est pas à la hauteur : il ne permet pas d’espérer une réelle protection de la santé des habitant·es de l’agglomération. Il n’est pas acceptable que la préfecture, représentante de l’Etat au local, n’augmente pas son ambition contre la pollution de l’air.
La situation particulièrement alarmante de l’agglomération stéphanoise
Le recours que nous lançons contre le PPA-3 est particulièrement important car les niveaux de pollution de l’air à Saint Etienne et alentours sont anormalement élevés, dépassent régulièrement les valeurs limites fixées par la réglementation, et sont largement supérieurs aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (Bilan de la qualité de l’air 2021, p.97). Plusieurs types de particules posent problème dans l’agglomération stéphanoise, notamment le dioxyde d’azote et l’ozone.
Toutefois, cela ne doit pas conduire à l’immobilisme. Notre recours s’inscrit dans la lignée d’autres actions qui appellent, enfin, à une ambition rehaussée de l’Etat pour lutter contre la pollution de l’air, car les outils existent pour agir.
Le nouveau PPA pour l’agglomération stéphanoise, un plan insuffisant et incohérent
Au local, l’Etat, via ses services déconcentrés, dispose pourtant des outils pour agir contre la pollution de l’air. Le plan de protection de l’atmosphère (PPA), prévu par l’article L.222-4 du code de l’environnement, est l’outil réglementaire principal de planification pour la lutte contre la pollution de l’air.
Le PPA, qu’est ce que c’est ?
Instauré en 1996, le PPA est mis en œuvre par l’État via les services de préfecture, avec les collectivités et les acteurs locaux, et il définit les actions sectorielles adaptées au contexte local afin d’améliorer la qualité de l’air en réduisant les émissions de certains polluants.
Obligatoire dans les agglomérations de plus de 250 000 habitants et dans les zones dépassant les seuils réglementaires de pollution, le PPA constitue une stratégie locale sur cinq ans, avec des mesures spécifiques pour tous les secteurs émetteurs de polluants atmosphériques : les transports, l’urbanisme, l’industrie, l’agriculture et le résidentiel-tertiaire. Une fois approuvé, le PPA entre en vigueur pour une durée minimale de 5 ans, au bout de laquelle il est évalué afin de décider de sa poursuite ou de sa révision. En France, 38 PPA sont élaborés et concernent 50 % de la population. Aujourd’hui, une quinzaine de PPA sont en cours de révision ou de changement.
Dans l’agglomération stéphanoise, le PPA-3 fait suite au premier PPA de 2008 et au deuxième PPA de 2014. Il a été adopté par arrêté préfectoral le 4 avril 2023, et couvre 140 communes de la métropole stéphanoise et du Forez. Il prévoit une réduction des différentes pollutions ainsi que des plans d’action découpés par secteurs comme les transports, le logement ou l’industrie. De nouveaux secteurs sont également pris en compte par ce nouveau plan, comme l’agriculture et les transports aériens et fluviaux.
Or, ce PPA-3 reste largement insatisfaisant.
Pour cette raison, et parce que protéger la santé de tou.te.s ainsi que l’environnement devraient être la priorité de l’Etat, des élus écologistes et une association ont décidé de demander l’annulation du PPA-3 stéphanois, afin de faire reconnaître son insuffisance par le tribunal administratif.
Nous pointons notamment que le PPA-3 pour l’agglomération stéphanoise :
– que le dossier d’enquête publique n’intègre pas les différents avis émis par les communes sur les territoires desquels porte le plan ;
– que les différents documents du PPA 3 SELF devront être considérés comme incomplets, se basant sur des données datant de plus de trois ans ;
– ne permet pas un retour dans les meilleurs délais aux valeurs limites prévues en matière de dioxyde d’azote, avec un objectif retenu moins ambitieux que celui retenu par le Conseil d’Etat, et des mesures elles aussi insuffisantes, avec des calendriers éloignés ;
– reconnaît ne pas définir d’actions de nature à permettre d’atteindre son objectif de limitation de l’augmentation de l’ozone, malgré les dépassements persistants ;
– ne définit aucune mesure préventive pour éviter le dépassement futur de valeurs cibles de plusieurs polluants atmosphériques réglementés, comme le benzopyrène ;
– définit des actions d’une ampleur très limitée, et insusceptibles de permettre d’atteindre les objectifs définis en son sein.
Les élus écologistes de l’agglomération stéphanoise, l’association Respire, ainsi que la campagne Pour un droit à respirer, se rassemblent pour obtenir des plans contre la pollution de l’air réellement protecteurs. Par ce recours, nous souhaitons dénoncer l’inaction actuelle de l’Etat tout en portant le message que l’action contre la pollution de l’air est possible.
Nos demandes et recommandations
L’action contre la pollution de l’air est possible : elle requiert certes des moyens financiers et humains, mais repose sur un choix politique. Nous demandons un plan de qualité de l’air véritablement protecteur pour l’agglomération stéphanoise et ses habitant·es, et donc un nouveau PPA-3, réellement ambitieux et qui s’attache à prendre en compte les inégalités sociales.
Les solutions sont connues, et nous souhaitons encourager une réflexion collective, impliquant véritablement les citoyen.ne.s de l’agglomération stéphanoise, autour de ce que devrait contenir un nouveau PPA-3. De nombreuses publications ont étudié les actions qui permettraient de réduire de deux tiers les émissions à l’origine de la pollution de l’air (ici, celle de chercheur·ses de l’Inserm, de l’Inrae et des Universités de Grenoble et Lille, 2022).
De manière générale, nous pensons que, a minima, les objectifs indiqués doivent correspondre à des cibles chiffrées, que les calendriers de mise en œuvre doivent systématiquement être précisés et correspondre au “délai le plus court possible” imposé par la loi, et que les moyens alloués par l’Etat doivent être suffisants pour mettre en œuvre la totalité des mesures du PPA. De plus, il serait nécessaire que le PPA se base sur l’état de la science le plus avancé, notamment en s’appuyant sur les recommandations de l’OMS et en incluant d’autres molécules plus fines qui ne sont pas encore intégrées aux réglementations en matière de qualité de l’air (comme les PM1, nanoparticules que nous savons pourtant désormais calculer).
Voici le résumé des premières recommandations que nous formulons, illustratives du fait qu’une réelle action contre la pollution de l’air est possible :
Pour le volet Industrie-BTP :
● Intégrer l’ensemble des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) dans les mesures proposées par le PPA-3 ;
● Augmenter le nombre d’évaluations de sites industriels, devant in fine permettre de les contraindre à viser les fourchettes basses d’émission de polluants.
● N’accorder d’autorisation pour les ICPE que dans la limite des fourchettes basses des valeurs prévues par la réglementation. En cas de risque significatif ou d’absence de garantie suffisante, le PPA devrait fonder le refus de l’autorisation.
Pour le volet résidentiel-tertiaire :
● Interdiction de l’usage des foyers ouverts à l’ensemble du territoire du PPA-3 ;
● Intensifier le programme de rénovation énergétique des bâtiments et de remplacement des moyens de chauffage.
Pour le volet Agriculture :
● Aligner le PPA-3 avec l’objectif de réduire de 11 % les émissions d’ammoniac en 2027 par rapport à 2005, tel que prescrit par le plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) ;
● Imposer le recours à des engrais respectueux de l’environnement et encourager l’utilisation d’équipements d’épandage plus performants ;
● Prévoir la réalisation d’évaluations au sein des exploitations afin d’identifier les progrès possibles en matière de réduction des émissions d’ammoniac.
Pour le volet Mobilité :
● Installer une vraie ZFEm avec réduction de circulations des véhicules individuels les plus polluants ;
● Approfondir la création de solutions de mobilité alternatives à la voiture thermique : développement du leasing social, soutien aux collectivités pour le développement des transports en commun, construction de parcs-relais aux abords du périmètre de la ZFEm… ;
● Requalifier les axes routiers majeurs présentant de fortes concentrations de dioxyde d’azote et à proximité de publics vulnérables.
Pour le volet Urbanisme :
● Fixer davantage d’objectifs chiffrés afin de rendre le PPA mobilisable dans l’élaboration des documents d’urbanisme ;
● Renforcer les missions de contrôle des services préfectoraux pour vérifier la compatibilité des décisions d’urbanisme avec les documents de planification tels que le PCAET (Plan Climat-Air-Énergie Territorial), lui-même devant être compatible avec le PPA.
Pour le volet Communication :
● Créer un espace qui permettrait d’associer, au niveau local, les citoyen·nes avec des scientifiques, des collectivités, et des acteurs privés pour construire une meilleure gouvernance de ces pollutions et, à terme, d’assister la prise de décision politique en matière de pollution ;
● Rendre le processus de consultation pour le PPA plus accessible et transparent.
Enfin, nous souhaitons insister sur le fait que le plan d’actions du PPA se doit d’intégrer le paramètre essentiel du poids des efforts à fournir, aujourd’hui inégalement réparti dans la population. Particulièrement notable en matière de mobilité, le PPA-3 actuel se borne à énoncer des objectifs et actions formelles sans prise en considération des impacts opérationnels de leur mise en œuvre sur les populations, notamment en périphérie et en milieu rural. Pourtant, des solutions existent, et parmi lesquelles :
● La généralisation des évaluations a priori et a posteriori des impacts sociaux des mesures duPPA;
● Le développement des consultations du public dans le pilotage du PPA, en parallèle des démarches de sensibilisation, pour lutter contre les inégalités dans la participation aux politiques publiques environnementales ;
● L’intégration des exigences de justice sociale aux mesures de réduction du trafic routier, y compris en zone rurale ou périurbaine, notamment dans la mise en oeuvre de la ZFEm en favorisant l’intermodalité, en renforçant le déploiement de parkings relais, en ouvrant de nouvelles voies de transports collectifs, en favorisant la piétonnisation des rues scolaires peu fréquentées, en sécurisant les voies de transport doux… ;
● Sécurisation des trajets domicile-école, et garantir que les nouvelles constructions des bâtiments recevant des enfants soient à distance des sources d’émission de polluants atmosphériques (notamment du trafic routier).
Les solutions existent, il s’agit de faire le choix politique de mettre les moyens pour protéger le droit de chacun.e de vivre dans un environnement sain et en bonne santé.
L’action insuffisante de l’Etat et de ses services déconcentrés
Cette problématique du PPA stéphanois n’est pas spécifique à l’agglomération : la faiblesse des plans locaux de qualité de l’air est générale, persistante, et doit être dénoncée partout. Depuis quelques mois, d’autres PPA sont remis en question ailleurs : par les Amis de la Terre Marseille pour l’agglomération marseillaise, par le collectif Citoyen 06 à Nice, par la Ville de Grenoble pour l’annulation du PPA de l’agglomération grenobloise, et par la campagne Pour un droit à respirer à Lyon. Nous portons ainsi le cinquième recours en ce sens en moins d’un an, et rejoignons ce mouvement national.
La carence fautive de l’Etat en matière de pollution de l’air
Le manque d’action de l’Etat français pour lutter contre la pollution de l’air apparaît en décalage par rapport à ces enjeux d’ampleur soulevés, alors même qu’il est a le devoir de mettre en place des politiques respectant le “droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé” (loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie). Cette inaction a été reconnue, plusieurs fois, par la justice européenne et française, aussi bien au regard des dépassements des valeurs limites et seuils réglementaires qu’à celui des insuffisances des mesures adoptées.
D’un côté, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) impose en effet la mise en œuvre d’un plan efficace qui permette un retour rapide en deçà des valeurs limites sous peine de sanction des États membres (CJUE, 19 nov. 2014, affaire C-404/13 « ClientEarth »). En ce sens, la CJUE a condamné la France en 2019 pour la persistance du dépassement des valeurs limites fixées par la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant (CJUE, 24 oct. 2019, affaire C-636/18, Commission c. France).
De l’autre, en 2017, un collectif d’associations avait pointé le manque d’action de l’Etat en la matière, et le Conseil d’État l’avait enjoint à agir pour réduire la pollution de l’air (CE, 12 juill. 2017, Association Les Amis de la Terre, n°394254). Constatant l’absence de telles mesures, il l’avait ensuite condamné à une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard, exécutée une première fois en 2021 (CE, 4 août 2021, Association Les Amis de la Terre, n°428409) puis une seconde fois en 2022 (CE, 17 oct. 2022, Association Les Amis de la Terre, n°428409).
Même constat à l’échelle locale, des efforts insuffisants
Les recours à l’encontre de PPA ne sont pas nouveaux, et se développent depuis la fin des années 2000. Or, la jurisprudence précédemment citée change les choses : désormais, la justice se reconnaît compétente pour juger de la suffisance des PPA.
Dans l’agglomération stéphanoise, le PPA-2, qui était jusqu’alors en vigueur, présente un bilan insatisfaisant, avec des dépassements persistants des normes de qualité de l’air fixés par la loi. Si, de manière générale, l’ensemble des substances réglementées ont vu leur concentration diminuer, à l’exception notable de l’ozone qui est en hausse (Atmo AURA, Bilan de la qualité de l’air, 2021), cela n’a pas permis de faire passer l’agglomération stéphanoise en dessous des valeurs limites, principalement aux abords des grands axes routiers. Plus important, la majorité des baisses observées correspondent à une baisse tendancielle et l’impact des mesures que la plan prévoyait s’est révélé largement plus faible que les objectifs posés lors de son adoption.
Le Conseil d’Etat avait ainsi reconnu, dans son jugement de 2017, que “les plans relatifs à la qualité de l’air pour les zones en cause et leurs conditions de mise en place doivent être regardés comme insuffisants” (CE, 12 juillet 2017, Association Les Amis de la Terre, n°394254). Dès lors, nous aurions pu espérer que le nouveau PPA-3 stéphanois serait plus ambitieux et efficace pour à la fois réduire les émissions de substances polluantes, mais également sortir l’État de son illégalité dans la gestion de la pollution de l’air. Force est de constater que ce n’est pas le cas, rendant le PPA-3 stéphanois symptomatique de la faiblesse systémique et persistante de l’action de l’Etat en matière de pollution de l’air.
Rappel : les enjeux de la pollution de l’air
De quoi parle-t-on lorsqu’on parle de pollution de l’air ?
Un polluant constitue « toute substance présente dans l’air ambiant et pouvant avoir des effets nocifs sur la santé humaine ou sur l’environnement dans son ensemble » (Article R 221-1 I. 2° du Code de l’environnement). Cela concerne ainsi une grande variété de composés en suspension dans l’air qui peuvent provenir de sources naturelles (volcans, embruns marins, sable, feux de forêt…) ou anthropiques (trafic routier, labours, résidus de combustion, chantiers, carrières…).
Afin de protéger la santé humaine et l’environnement, l’Union européenne (UE) a adopté deux directives fixant des concentrations maximales, ou valeurs limites, de polluants dans l’air : la directive 2004/107/CE du 14 décembre 2004 et la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008. Ces textes ont été repris en droit français à l’article R 221-1 du Code de l’environnement. Ces valeurs limites sont cependant largement supérieures aux dernières recommandations établies par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2021), puisque les valeurs limites françaises sont par exemple 5 fois supérieures pour les PM2.5 ou 4 fois supérieures pour le dioxyde d’azote.
Voici les particules polluantes considérées pour évaluer les niveaux de pollution de l’air :
Les particules fines : de diamètre inférieur à 10 micromètres (PM10) et à 2,5 micromètres (PM2.5). Les oxydes d’azote (NOx) : le monoxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote (NO2).
Le dioxyde de soufre (SO2).
L’ozone (O3).
Le monoxyde de carbone (CO).
Sont aussi classifiés les métaux lourds et hydrocarbures aromatiques polycycliques : le plomb (Pb), l’arsenic (As), le cadmium (Cd), le nickel (Ni), le benzo(a)pyrène (B[A]P), le benzène (C6 H6).
Les sources de ces pollutions sont nombreuses. Pour l’année 2021, Atmo AURA a dressé l’inventaire des principales sources de polluants pour la région (Bilan de la qualité de l’air 2021, p. 17). Par exemple : 62% des émissions d’oxydes d’azote sont issues du transport routier, le secteur résidentiel (incluant en particulier le chauffage, hors réseau de chauffage urbain) génère 70% des émissions de PM2.5 et 53% des émissions de PM10, l’industrie contribue à 61% des émissions de soufre et 16 % des émissions d’oxydes d’azote, et l’agriculture induit 26 % des émissions de particules fines (PM10 et PM2.5) et 96 % des émissions d’ammoniac.
Un enjeu de santé publique
Ces polluants, nombreux dans l’atmosphère, ont la capacité d’infiltrer nos poumons et notre sang. Depuis des années, les études scientifiques se multiplient pour démontrer les impacts sanitaires de la pollution de l’air : le déclenchement ou l’aggravation d’asthme, de maladies cardiovasculaires et pulmonaires, de cancers, de maladies du foie, ou d’autres maladies du type Alzheimer ou Parkinson.
Ne serait-ce qu’au cours de ces trois derniers mois : une étude a prouvé que les particules fines respirées par la mère durant la grossesse peuvent traverser le placenta et entrer dans les organes du fœtus dès ses premiers mois de développement (Lancet Planet Health, 2022) ; une autre que la pollution de l’air augmente les risques d’hypertension artérielle, et donc de crises cardiaques et d’AVC, chez les enfants (Current Problems in Cardiology, 2023) ; et le Centre Léon Bérard a publié de premiers résultats sur les liens entre cancer du sein et pollution de l’air.
Tout cela conduit à un état de fait : un décès sur cinq dans le monde serait lié à la pollution de l’air, soit 8.7 millions de morts prématurés en 2018 (Harvard, Environmental Research, 2022). En France, ce sont près de 40 000 décès prématurés chaque année qui peuvent être attribués à l’exposition aux PM2.5 et 7200 à l’exposition aux NO2 (Santé Publique France, 2021), alors qu’une étude coordonnée par l’Université d’Harvard fait état de 100 000 décès prématurés par an en France (Environmental Research, vol. 195, 2021). En Auvergne-Rhône-Alpes, ce sont près de 4300 décès par an qui seraient attribuables à une exposition de la population aux PM2.5, et 2000 décès causés par le NO2 (Santé Publique France, 2022).
Quels liens entre pollution de l’air et justice sociale ?
Or, les conséquences graves sur la santé qu’implique la pollution de l’air ne sont pas réparties de manière homogène sur la population. En effet, une étude française a montré qu’à Paris, les habitants les plus défavorisés ont 3 fois plus de risque de mourir d’un épisode de pollution que les habitants les plus riches, quand bien même ces personnes plus vulnérables ne vivent pas nécessairement dans les quartiers les plus pollués (étude publiée dans Plos One, 2015). D’après cette étude, ce risque supérieur de mortalité serait notamment associé au manque d’accès aux services de santé et aux bâtiments mal isolés.
Nous observons ainsi l’impact du cumul des différentes expositions à la pollution, les populations défavorisées étant exposées à un plus grand nombre de nuisances et/ou à des niveaux d’expositions plus élevés, mais également du cumul de vulnérabilité aux effets de cette pollution, en raison d’un état de santé plus fragile des populations plus favorisées. Ces deux différentiels sont décrits sous la notion d’inégalité sociale et environnementale de santé.
Ce constat souligne l’enjeu crucial, pour les politiques visant à améliorer la qualité de l’air, de l’intégration du facteur social dans l’élaboration de leurs priorités stratégiques.
Le coût de l’inaction
Enfin, on peut aussi représenter l’inaction de l’Etat en termes du coût que représente la prise en charge collective de ces impacts. En 2015, un rapport du Sénat estimait le coût sanitaire et socio- économique de la pollution de l’air en France à près de 100 milliards d’euros par an, soit deux fois plus que le tabac (47 milliards d’euros).
Une autre étude commandée par l’Alliance européenne pour la santé publique a rapporté ce coût à l’échelle des villes. En prenant en compte différents coûts socio-économiques tels que les frais médicaux pour traiter des asthmes ou des bronchites chez les enfants, les hospitalisations pour des pathologies respiratoires ou cardiaques, la baisse de l’espérance de vie ou encore les journées de travail perdues, la facture s’élèverait par exemple à 596 euros par an et par personne à Saint Etienne (Cabinet CE Delft, octobre 2020).
De plus, ce coût ne peut pas “justifier de la faible ambition des politiques visant à réduire la pollution atmosphérique, alors même que les mesures de lutte contre la pollution ne donnent, en France, jamais lieu à une évaluation économique de leurs coûts et bénéfices” (S. Mathy, H. Bouscasse, R. Slama, S. Gabet, The Conversation, mai 2022).
Co-requérants avec les associations : Olivier Longeon, Julie Tokhi, élue municipale et métropolitaine de Saint-Etienne, EELV – Le temps de l’écologie
Pour les questions juridiques : Me Hélène Leleu
Contact presse : Emma Feyeux, coordinatrice de la campagne Pour un droit à respirer