A l’occasion du premier anniversaire de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen, le collectif Notre Maison brûle a posé les bases d’une démarche de transparence sur l’ensemble de ces sites, avec une cartographie collaborative, des enquêtes et actions de terrain menées notamment le 26 septembre partout en France. Les citoyen.ne.s sont en train de tourner eux- mêmes la page d’une longue période d’opacité sur la gestion des sites dangereux, ou potentiellement dangereux. Ils et elles seront bientôt en mesure de nous demander des comptes sur les mesures prises pour sécuriser ces sites, ou encore sur les dangers que ces sites représentent pour leur environnement proche.
Aujourd’hui, en France métropolitaine et en outre-mer, il y a 500 000 Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE). Ces ICPE présentent autant de risques d’incendie, d’explosion, de nuisances ou de pollution, risques accentués par la crise économique, les aléas climatiques, les simples défaillances humaines… Or, sur ces près de 500 000 sites, usines, fermes ou entrepôts, seulement 41 000 sont soumis à une réglementation et à des inspections spécifiques. Les 459 000 sites restants échappent à toute inspection et leurs données ne sont pas publiques. Le danger n’est pas connu, identifié, que ce soit par les riverains voire même par les puissances publiques. D’après les bases de données officielles (ARIA en France, ZEMA en Allemagne), nous aurions 73 fois plus d’accidents industriels en France qu’en Allemagne.
La base de données Géorisques, qui recense uniquement les sites soumis à autorisation et à enregistrement, fait état de 225 sites stockant plus de 500 tonnes de Nitrate d’Ammonium, dont 180 plus de 1 250 tonnes – cette même substance responsable de l’explosion cet été à Beyrouth, ou de la catastrophe d’AZF. Dans un certain nombre de cas, le risque réside en dehors des villes, comme c’est le cas s’agissant de la ville de Bordeaux, menacée par un stockage de 68 000 tonnes à sa périphérie.
Certains sites ne font pas même l’objet d’une étude de risque. En dessous de 100 tonnes, ils ne sont même plus répertoriés. Le site d’AZF appartenait à cette catégorie.
En 2018, les services de l’État ont mené 18 000 inspections pour l’ensemble des 500 000 ICPE. Certains sites étant inspectés plusieurs fois, ce sont seulement 9 000 ICPE qui sont contrôlés chaque année en raison du sous-effectif d’inspecteurs.
A Rouen, l’incendie de Lubrizol a été suivi d’une période de forte incertitude sur les polluants émis, le risque de pollution et donc la mise en œuvre du principe de précaution pour la santé des riverains : pourtant, l’AASQA (Association Agréée pour la Surveillance de la Qualité de l’Air) était équipée pour mesurer les polluants issus de l’incendie.
Enfin, le rapport sénatorial du 02 juin 2020 « Prévenir et prévoir pour ne plus subir » démontre à quel point l’Etat français et les collectivités sont actuellement impuissants face à de potentiels risques industriels et technologiques. A ceci s’ajoutent de nombreuses évolutions législatives, telles que celles portées dans le cadre du Projet de Loi ASAP, dont l’effet serait d’exonérer certaines installations industrielles de l’obligation de déclaration de leurs activités.
Dans la Loire neuf établissements de statut Seveso sont dénombrés dont un classé “Seveso seuil haut”, l’usine chimique SNF, basée à Andrézieux-Bouthéon . En 2009, deux explosions dues à des réactions chimiques avaient engendré 4 blessés dont deux grièvement.
A travers ce vœu, la Ville de Saint-Etienne souhaite engager une démarche correctrice et d’anticipation du risque d’accident industriel et technologique qui fait défaut à l’ensemble de notre territoire national :
• au niveau communal, la responsabilité de la Ville de Saint-Etienne est d’abord de faire le jour sur les risques présents sur notre territoire et à ses alentours ;
• la Ville rappelle l’État à ses obligations d’inspection régulière de l’ensemble des sites soumis à enregistrement ou à déclaration en particulier ceux stockant des combustibles et les établissements SEVESO à seuil bas et ceux à seuil haut ;
• la Ville demande la liste des sites présents sur le territoire de Saint-Etienne Métropole stockant des matières dangereuses et l’état de leur stock ;
• la Ville demande au Préfet la transmission de l’ensemble des rapports d’inspection et des procédures de régularisation engagées, sans délai. Tout risque identifié devra faire l’objet d’une information du Conseil Municipal ;
• s’agissant des substances dangereuses dont la substitution est envisageable, comme le nitrate d’ammonium, la Ville de Saint-Etienne demande officiellement au gouvernement français d’engager ce processus. De plus, dans la mesure où l’autorité des ICPE repose entre les mains des Préfets, également en charge du développement économique, la Ville de Saint-Etienne porte la demande de la création d’une autorité indépendante pour la surveillance des ICPE, comme cela existe, par exemple, dans le domaine du nucléaire ;
• s’agissant de la prévention des risques, la Ville fait le constat du besoin d’une instance dédiée à la surveillance et à la prévention des risques industriels sur son territoire. Elle sollicitera donc en ce sens Saint-Etienne Métropole, ainsi que le Préfet, en vue de la création au cours de l’année 2021 d’un Secrétariat Permanent pour la Prévention des Pollutions et des risques industriels (S3PRI), tel que prévu à l’article D. 125-35 du Code de l’environnement. On rappelle qu’un S3PRI rassemble au niveau du territoire concerné à la fois les représentants de l’Etat, des collectivités locales, des entreprises ou organismes industriels, des associations de protection de l’environnement et des personnes physiques travaillant ou habitant dans la zone. Il a pour but à l’échelon de ce territoire d’orienter et de lancer des études en vue de réduire les pollutions et les risques industriels et d’en évaluer les effets, de définir et de décider collégialement les objectifs et les mesures à prendre afin de lutter contre les pollutions et de minimiser les risques, et d’assurer l’information du public sur les questions liées à l’environnement et cela pour l’ensemble des ICPE de ce territoire.
Il est demandé au Conseil Municipal de bien vouloir émettre un avis favorable à ce vœu.
Germain Collombet, Danielle Teil, Jean Duverger, Julie Tokhi, Olivier Longeon
Conseiller·e·s municipaux du groupe Le temps de l’écologie